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Interview Vincent Callebaut 

Paris 2024

France








Vincent Callebaut, architecte, auteur et conférencier

« Je conseillerais aux élus d’intégrer dans leurs équipes plus d’architectes »

Les projets d’architecture peuvent répondre aux différents enjeux de la "ville de demain", que ce soit sur la rénovation du patrimoine existant ou la décarbonation. C’est ce qu’a voulu démontrer l’architecte Vincent Callebaut, avec la publication de son livre Villes 2050, co-écrit avec le journaliste Arnaud Pagès et publié aux éditions Eyrolles. 


Quel était votre objectif en publiant ce livre réunissant 35 de vos projets bioclimatiques ?

Nous sommes actuellement confrontés aux emballements démographiques et climatiques et il nous faut construire dès maintenant la ville résiliente et solidaire de demain. Le but de ce livre est de démontrer de manière pédagogique les solutions éprouvées sur nos chantiers et rendre le futur désirable. Ce livre n’est pas à destination exclusive des architectes mais à tous ceux qui veulent co-construire une ville plus écologique qui utilise au maximum les matériaux biosourcés et les énergies renouvelables. Et notamment les collectivités, qui sont à l’origine de 50% des projets étudiés à l’agence, comme cela a été le cas à Aix-les-Bains.

Vos réalisations font appel à des techniques ancestrales dites passives et aussi à des technologies très innovantes. Est-ce que cela ne rend pas leur coût inabordable pour des collectivités françaises, soumises à des restrictions budgétaires ?

Nous voulons au contraire faire passer le message que ces bâtiments à l’architecture bioclimatique sont devenus abordables et aujourd’hui démocratisés. Simplement, nous ne pouvons plus aujourd’hui faire une architecture internationale, qui consiste à reproduire des bâtiments identiques en tout point du globe, mais il faut concevoir des projets basés sur le bon sens représentant l’écosystème naturel, climatique et économique local. Nous sommes par exemple en train de concrétiser les Jardins Secrets à Montpellier, un projet de 113 logements collectifs dont 30% de logements abordables destinés aux primo-accédants sur le site de La Cité Créative, l’ancienne Ecole d’Application de l’Infanterie. Notre projet montre que ces logements, livrés en 2026, sont accessibles à coût égal par rapport à d’autres projets traditionnels. Nous choisissons des technologies low-tech pour en baisser le coût de fabrication et d’exploitation. Par exemple, l’isolation de ce bâtiment bas carbone a été proposée avec de la paille de riz de Camargue recyclée en principe destinée aux déchetteries. Également, les eaux grises provenant des douches sont recyclées sur site pour irriguer les jardins suspendus. Ce projet aux façades organiques et densément végétalisées autour d’un jardin en pleine terre, très symbolique pour l’agence, entend donc bien démontrer le fait que vivre dans un bâtiment durable est aujourd'hui accessible à tous.


Les collectivités s’engagent en général dans des projets quand elles disposent de ROI en amont. Avez-vous des résultats chiffrés sur les gains de ce type de construction ?

Par sa construction hors-site et en matériaux naturels et son exploitation passive, la tour Tao Zhu Yin Yuan livrée à Taipei en 2024 permet de réduire de 80% ses émissions de gaz à effet de serre et de 70% sa consommation énergétique. Pour les 30% d’énergie restants, elle bénéficie de l'apport d'énergies renouvelables, avec une canopée solaire de 3 500 m² de panneaux photovoltaïques et thermiques, et d'une ferme d'éoliennes qui fournissent l'électricité aux appartements et aux parties communes. Également, elle est traversée par une cheminée à vent qui lui assure sa ventilation naturelle par puits canadiens. Elle est recouverte de 23 000 plantes et arbustes pour favoriser le retour de la biodiversité et absorber 135 tonnes de CO2 par an dans l'atmosphère par photosynthèse naturelle. La tour a reçu la certification LEED Platinum (pour Leadership in Energy and Environmental Design, décerné depuis 1998 par le US Green Building Council, ndlr) qui est la plus haute certification environnementale en termes de bâtiment écologique, ainsi que la certification de diamant de la part de l'Alliance internationale des bâtiments pas carbone (LCBA-Low Carbon Building Alliance). Ces résultats répondent aux aspirations des citoyens et prouvent aux collectivités que ces solutions peuvent se mettre en place dès maintenant.


Y a-t-il des difficultés à rénover le patrimoine existant, notamment pour ajouter la récupération d’eau de pluie à un bâtiment qui ne le prévoyait pas ?

Contrairement à ce que l’on peut penser, il n’y a aucune difficulté technique qui ne soit insurmontable. Nous concevons par exemple des chaînes de pluie, en récupérant les précipitations dans des citernes et en la faisant remonter pour alimenter, quand on en a besoin, les jardinières. Concernant l’entretien des végétaux, il y a eu beaucoup d’essais peu concluants de murs végétalisés ces dix dernières années. Une plante, ou un arbre, a besoin de substrats pour pouvoir développer son système racinaire et la terre ne tient pas de manière pérenne à la verticale. C’est pourquoi nous préconisons des complexes organiques d’au moins 60 cm de substrat et des drainages efficaces pour assurer la croissance des plantes le long des balcons dans de grandes jardinières. 


Alors comment expliquez-vous qu’il y ait peu de constructions écologiques comme les vôtres en France ?

Le défi en France pour le gouvernement est de passer d’une écologie punitive - souvent réservée aux plus aisés - à une écologie désirable accessible à tous. Dans le livre Villes 2050, nous secouons la trousse à outils de l’architecture pour prouver que tout le monde peut participer et inscrire son logement, ses modes de déplacement et sa manière de travailler dans un mouvement écoresponsable que plus rien ne pourra jamais arrêter. Nous devons poursuivre notre travail de pédagogie et rappeler aux citoyens qu’ils peuvent commencer dès à présent à agir, grâce à l’alliance du low-tech et du high tech, à la conjonction des énergies renouvelables et des solutions domotiques qui leur permettent d’optimiser leurs consommations énergétiques.  


Pouvez-vous détailler le concept de solidarité énergétique que vous prônez ?

Ce concept consiste à greffer des architectures de notre époque sur des bâtiments historiques qui produisent une partie de l’énergie dont le bâtiment historique a besoin. Nous travaillons également sur des bâtiments à énergie positive bepos, c’est-à-dire qu’ils produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment et peuvent distribuer la plus-value aux constructions voisines. Cela signifie aussi des usages mixtes des bâtiments, qui mêleraient bureaux et logements pour optimiser l’utilisation de l’énergie. C’est ce que nous avons proposé avec Archiborescence, un projet d’écoquartier à Lille. Les collectivités font beaucoup d’efforts sur ce sujet, notamment par les projets d’autoconsommation collective. Pour moi, c’est aussi ce qui rend la ville évolutive et réversible dans ses usages. 


Comment vos constructions intègrent-elles les critères de la loi ZAN ?

La France est un mauvais élève en termes de sobriété foncière. Afin de lutter contre l’étalement urbain et l’imperméabilisation des sols, il est nécessaire de réduire la bétonisation de nos villes et de sauvegarder les espaces naturels, agricoles et forestiers. La végétalisation des rues et des bâtiments ainsi que la création de jardins en pleine terre est la marque de fabrique de l’agence. Nous réunissons des ingénieurs agronomes et des botanistes pour concevoir des écosystèmes luttant contre le réchauffement climatique en proposant des îlots de fraîcheur urbains grâce à l’évapotranspiration des plantes. L’Ecume des ondes, le projet de reconversion des anciens thermes nationaux d’Aix-les-Bains, est notre projet fer de lance dans le domaine de la renaturation. Il accueillera 220 logements, dont 25% de logements sociaux, sur la toiture du bâtiment historique, ce qui contribue à lutter contre l’étalement urbain. Deux forêts verticales, plantées d’essences endémiques du paysage alpin, assureront un environnement rafraîchissant. Cette végétalisation revient à un coût 2 à 3% plus cher qu’une façade minérale classique mais apporte une climatisation naturelle des espaces extérieurs, absorbe du CO2 et stocke du carbone. On parle de constructions carbo-absorbantes.


L’un des sujets de préoccupations des villes porte sur le risque d’inondation. Comment y répondez-vous ?

J’ai lu un rapport faisant état d’une France en U : depuis la crise sanitaire, la population se concentre sur les littoraux, où il y a le plus de risques d’inondation. Il faut changer de mentalité et revaloriser les villages ruraux. C’est le but de notre projet Earthworks dans le Luberon. Ce village construit en terre crue et en paille offre à ses habitants une immersion dans les paysages de Provence. Il faut des projets qui fassent envie pour changer la vision des habitants sur la revitalisation des bourgs ruraux.


Auriez-vous un conseil général à donner aux collectivités pour leurs projets d’urbanisme ?

Je présente régulièrement des conférences et participe à des think tanks au sein des municipalités car je comprends que quand on est élu, on ne peut pas être omniscients et il faut relever un grand nombre de défis sociaux et environnementaux. Je conseillerais donc aux élus d’intégrer dans leurs équipes plus d’architectes, de designers ou d’ingénieurs pour les aider à inventer la ville résiliente de demain. Quand on veut avoir une vision globale, il faut s’entourer d’équipes transdisciplinaires et multiculturelles. Comme l’a déclaré l’ancienne ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, les architectes sont à l’avant-garde des besoins de notre société. Ils sont devenus des chefs d’orchestre qui pilote la demande des pouvoirs publics, des acteurs privés et des citoyens, pour que les habitants choisissent les projets qu’ils désirent pour leur ville dans le cadre de processus de démocratie participative.


Pour finir, sur quelles évolutions dans le bâti travaillez-vous actuellement ?

Dans le livre, sur les 35 projets présentés, une quinzaine sont des projets de recherche et développement. Nous dressons des partenariats avec des universités et des laboratoires scientifiques afin d’étudier de nouvelles pistes pour construire mieux avec moins pour réparer la planète et le climat. Par exemple, avec un professeur de l’Université Polytechnique de Lausanne, en Suisse, nous étudions les façades à pigments végétaux qui sont capables de produire plus d’électricité que des panneaux solaires, et ce sans utiliser de silicium, mais uniquement des matières organiques. Le biomimétisme est au cœur de notre travail car rien ne sert de construire contre la nature, elle fait toujours mieux que nous. Et pour répondre aux enjeux climatiques des villes, il mettre en application l’adage de Léonard De Vinci : « Scrute la nature, c’est là que se trouve ton futur ! »




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PHONE : 0033.1.45.70.86.41
WEBSITE : www.vincent.callebaut.org
EMAIL : vincent@callebaut.org
POSTAL ADDRESS :
Vincent Callebaut Architectures
7, place Félix Eboué
75012 Paris
France

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