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Interview Vincent Callebaut 

Brussels 2024

Belgium








Sur parole, Vincent Callebaut Architecte

«Par une vision disruptive, on construira un monde meilleur.»

Texte Fanny Bouvry

Photo Renaud Callebaut


Le Louviérois Vincent Callebaut (47 ans) développe, depuis Paris, des projets avantgardistes. S’il a commencé avec des fermes urbaines et autres villes flottantes utopiques, ses bâtiments où la nature prend le dessus sortent désormais de terre. Il signe un livre plein d’optimisme pour l’avenir du monde.


On peut trouver des compromis. 

Et ce, plutôt que se positionner de façon binaire entre ceux qui nient le réchauffement climatique et ceux qui prédisent la fin de la civilisation. Au début, j'étais qualifié d’utopiste, ça m’énervait. Avec le recul, je pense qu’on peut parler d’utopies concrètes. J'ai gagné en sagesse pour trouver un juste milieu entre un haut niveau d'innovation et une acceptabilité sociale et économique de mes projets. Mais je garde mon cap. C’est le message de mon livre: il faut toujours continuer à rêver et essayer de casser la baraque pour réinventer les codes.


Les jeunes veulent des solutions. 

Je suis vite devenu militant pour l'écologie et j'ai participé à beaucoup de manifs. Si bien que je comprends leur mouvement autour de Greta Thunberg. Ils n’en peuvent plus de ce constat anxiogène. Ils ont soif d’action. Moi, j’ai rejoint le mouvement brésilien SolarPunk qui allie le côté espoir (solaire) et disruptif (punk). Je ne suis pas punk d'apparence, mais j’ai d’abord travaillé chez Odile Decq, à Paris. Elle était très punk, habillée à la Cure. Je n’ai pas suivi son look, mais bien sa philosophie. Par une vision disruptive, on construira un monde meilleur. 


On vit une époque extraordinaire. 

Même si on n'en a pas conscience. J'ai 47 ans. J’ai grandi avec Al Gore, Nicolas Hulot, Yann Arthus Bertrand qui ont dressé un constat éco-anxiogène. Moi, de nature, je suis optimiste. Et donc j'aime tenter des choses. Lors de mes études à l’Institut Victor Horta, nous étions dans les premiers diplômés à créer des images de synthèse; ça décoiffait les profs. Mais c'était génial car ça enrichissait la trousse à outils. Aujourd’hui, on n'a jamais été aussi intelligents: on a un retour fort de l'artisanat et en même temps, on a l'intelligence artificielle. Ça ne peut qu’aller mieux.


L'écologie, ce n’est pas que pour les bobos. 

J’ai construit une tour à Taïwan, je travaille sur un musée en Chine. Mais le projet dont je suis le plus fier, c’est la rénovation d’une caserne à Montpellier. On y construit des logements dont 30% d’unités abordables, destinées à des jeunes actifs. On y retrouve notre vision avec des matériaux biosourcés, une végétalisation intensive. Je rêvais de montrer que l’écologie est pour chacun.


La restauration de Notre-Dame montre la paralysie de notre société. 

Cette cathédrale est le résultat de l'oeuvre des générations qui se sont succédé: gothique primitif au XIIe, gothique rayonnant au XIIIe, gothique flamboyant au XIVe et Viollet-le-Duc au XIXe siècle qui a ajouté la flèche. Pendant plus de sept siècles, chacune a mis sa couche. Et aujourd'hui, pour éviter le débat, on s'est dit: «Faisons comme avant, utilisons des chênes centenaires et du plomb.» Notre bureau avait proposé une robe de toiture en cristaux solaires qui pouvait produire l'énergie électrique dont l’édifice aurait besoin, et rendrait les combles accessibles au public. Ils ont préféré une reconstruction à l’identique… Dommage.


La réussite, c'est l'aboutissement d'une succession d'échecs. 

Surtout quand on essaie de prendre des chemins de traverse. Un jour, nous avons gagné le concours pour la rénovation de l'Hôtel des Postes, un édifice classé de Luxembourg-Ville. Nous avions un projet écologique et audacieux et y avions mis tout notre coeur durant trois ans. Et puis, il y a eu une guerre politique et le projet a été abandonné. Ça été difficile à accepter mais cela nous a permis de rencontrer plein d'ingénieurs talentueux, de créer des passerelles avec la recherche fondamentale… Il faut tirer le meilleur des aventures qu'on traverse.


Les Belges sont de bons créatifs avec la tête bien vissée. 

Ils parviennent à marier poésie latine et esprit pragmatique anglo-saxon. Je suis originaire de La Louvière mais ado, j'ai compris que cette région, et son passé post-industriel, avait un impact fort sur notre mentalité. Le pessimisme ambiant m’a poussé à étudier à Bruxelles, puis à partir à Paris. J'étais en recherche d'une vision cosmopolite. Je voulais comprendre comment cet héritage industriel pouvait être magnifié. Aujourd’hui, j’aimerais construire ici. Nous avons déjà travaillé sur le Botanic Center, Tour & Taxis et des hôpitaux hennuyers. On nous dit que nos projets sont trop ambitieux mais je finirai par y arriver…


Villes 2050, par Vincent Callebaut et Arnaud Pagès, Editions Eyrolles, 204 pages.




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