Les Nouvelles Pousses du Design Végétal
Portrait Vincent Callebaut
Brussels 2020
Belgium
Rappelons-le, le végétal n’est pas seulement un élément décoratif, il nous apporte bien-être, calme, émotion… C’est aussi un support pédagogique et un vecteur de convivialité qui nous rapproche des autres. Le design végétal propose également des contenants ludiques qui changent des pots et cache-pots classiques pour offrir des possibilités d’intégration atypiques de plantes.
À l’extérieur, dans l’espace public, le design végétal flirte avec l’architecture et le mobilier urbain. Il est l’affaire des designers mais aussi des architectes et des plasticiens qui le mettent au coeur de la nouvelle philosophie de la ville. Ainsi l’architecte belge Vincent Callebaut (voir aussi en page 44) conçoit le végétal en prise directe avec sa vision futuriste et prospective de l’architecture de demain. Dans ses bâtiments futuristes et ses éco-quartiers qui réinventent la ville, il arrose l’espace public avec sa poésie, mais travaille aussi en collaboration avec des scientifiques et des ingénieurs. Il croise les savoirs pour faire sortir le monde de la crise écologique et réenchanter les villes qui accueilleront, d’ici un peu plus de trente ans, pas moins de 70 % de la population mondiale.
Avec Vincent Callebaut, on plonge dans l’architecture des années 2050, voire 2065. Grâce à des écosystèmes urbains inspirés du land art, il utilise les racines du lieu existant : “On reconstruit la nature sur la ville et non la ville sur la nature”, explique-t-il. Les réalisations de ce pape du BEPOS (bâtiment à énergie positive) et de la chlorophylle découlant des modes de vie écoresponsables mettent aussi l’agriculture au coeur de l’espace urbain dans des jardins comestibles.
Car, rappelons-le, la végétation est notamment utilisée pour capturer le dioxyde de carbone qui pollue les villes. Le designer français Patrick Nadeau, lui, utilise le végétal pour ses qualités architecturales et environnementales. Entre architecture, design et paysage, ses projets réinventent le rapport traditionnel entre la maison et le jardin. Les plantes sont sélectionnées pour leurs qualités plastiques, ainsi que pour leur résistance et leur entretien minimal… Alexis Tricoire, autre Français qui repense depuis une dizaine d’années le rôle de la nature dans notre société, se concentre sur les innovations végétales et sur l’étude d’une nouvelle forme d’urbanité avec des mises en scène multi-sensorielles et technologiques. Avec ses meubles, objets, éclairages et sculptures, il porte un regard novateur et engagé autant sur le bien-être en milieu urbain que sur la protection de la planète. Designer militant lors de la COP21, il a aussi animé des conférences.
Le rôle du designer végétal ? “Concevoir des espaces et des objets qui mettent en œuvre le végétal… Aller à la recherche de nouvelles formes, plastiques et structurelles”, répond Patrick Nadeau. Les plantes, traitées comme un matériau, sont intégrées à l’espace de vie domestique, au lieu de travail, à l’espace commercial. Patrick Nadeau prépare actuellement (pour cet été) une exposition pour le centre d’art de Chaumont-sur-Loire, en France, et une présentation pour le Grand Hornu, en Belgique. Car les designers du végétal sont aussi des scénographes et des plasticiens capables de réenchanter le végétal banalisé avec une approche artistique et des installations qui réveillent l’espace public, les espaces professionnels et les zones de communication. Expositions dans des espaces institutionnels, installations temporaires ou permanentes dans des boutiques, des gares, des espaces de restauration… ils réintroduisent la nature là où elle a été délogée, il y a bien longtemps, pour qu’elle retrouve une place en symbiose avec la brique, le verre, l’acier, le béton ou le bois et autres matériaux de construction.
Plus axé sur l’univers domestique, Frédéric Malphettes imagine, quant à lui, des supports et contenants pour plantes qui changent radicalement des pots traditionnels, d’autant qu’il les dote d’une dimension architecturale.
Les designers du végétal réalisent, en collaboration avec leur studio de création, des structures et des compositions spécifiques à chaque projet, en explorant les limites du possible. Ils doivent mettre en œuvre, dans de véritables défis technologiques et botaniques, des systèmes d’irrigation et de brumisation capables de garantir la pérennité des installations. Il ne faut pas l’oublier, le mur végétal d’extérieur, inventé par Patrick blanc, qui prend appui sur un jeu de textiles, comme le feutre rempli de terre, nécessite un entretien comparable à celui d’un jardin. Pour une solution sans entretien, on peut opter pour les tableaux en végétaux stabilisés, dont la technique se rapproche de l’embaumement. “Selon un processus parfaitement biologique, l’eau des végétaux est retirée et remplacée par de la glycérine végétale. Ainsi les plantes restent fraîches pendant dix à quinze ans”, explique l’architecte paysagiste bruxellois Quentin Thibault. Il réalise aussi des murs végétaux avec de vraies plantes fixées dans un lit de sphaigne, sorte de mousse naturelle qui a la capacité de retenir plusieurs fois son poids en eau. À l’intérieur, le mur végétal humidifie et purifie naturellement l’air : “Ce type d’installation, équipée d’un réseau d’irrigation et d’arrosage automatique, nécessite également un entretien qui peut être coûteux si on n’a pas soi-même la main verte (environ 100 euros par an et par mètre carré). Il s’agit de plantes vivantes qui peuvent tomber malades ou avoir besoin d’être remplacées”. À l’extérieur, les déclinaisons du green power incluent les toitures végétalisées qui rafraîchissent les villes caniculaires en été.
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