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Interview Vincent Callebaut : Sortir Du Smog

Paris 2018

France



NEWSPAPER : Le Monde - Idées

TITLE : «Les architectes rentrent en résilience»

REPORTER : Frédéric Joie

DATE : July 2018

FROM : Paris






FRÉDÉRIC JOIE : Vous avez déclaré qu’une nouvelle génération d’architectes avait ouvert une nouvelle phase de l’urbanisme mondial, éco-responsable, soucieuse des exigences environnementales. Vous voulez rapatrier la nature dans la ville, construire des villes-jardins, des villes végétalisées, des villes verticales et durables, etc. Qui sont ces pionniers ? Est-ce seulement possible ? N’est-ce pas une gageure, comme s’en moque la boutade d’Alphonse Allais : « Nous étouffons dans nos villes ? Mais construisons des villes à la campagne ! »

VINCENT CALLEBAUT : Je suis né en 1977 à la Louvière, l’une des régions les plus pauvres d’Europe du Nord qui a subi de plein fouet la crise industrielle. A l’époque nous étions seulement 4,5 milliards d’êtres humains sur Terre. Je fais partie de cette génération imprégnée d’insecticides, asphyxiée par les smogs urbains et ingurgitant les déchets plastiques infectant notre propre chaine alimentaire. En 2050, j’aurai 73 ans et la population mondiale aura plus que doublée sur le temps de ma simple petite vie en comptant 9 milliards d’habitants avant d’atteindre le pic des 12 milliards annoncés pour 2100. Or, toutes les statistiques et les publications scientifiques convergent aujourd’hui vers le chiffre de 70% de la population mondiale qui vivra dans les villes suite à l’exode rural massif que connaissent aujourd’hui les pays émergeants. Villes en flux tendus qui émettent déjà 80% des émissions de gaz à effet de serre et concentrent des inégalités sociales de plus en plus fortes.

Entre le déni des climatosceptiques et le cri d’alarme des collapsologues, le monde va-t-il vraiment s’effondrer ? Allons-nous devoir régenter la démographie mondiale ou bien allons-nous réussir à construire une civilisation et des villes résilientes prônant la juste symbiose des Hommes sur leur environnement ? Par un élan vital, une volonté d’agir, je me bats avec optimisme pour que la seconde solution devienne réalité. Je milite pour des villes fertiles qui réinventent le capitalisme du XXème siècle basé sur l’accumulation des biens matériels vers un solidarisme du 21ème siècle basé sur la multiplication des liens sociaux. Plus de liens moins de biens, tel est mon credo pour imaginer des villes capable d’induire la transformation du consommateur urbain énergivore en consom’acteur citoyen écoresponsable.

Il y a eu l’âge du charbon, de l’acier, du pétrole et de la chimie verte. Le 21ème siècle sera biologique ou ne sera pas. Abandonnons les dystopies apocalyptiques chères à notre époque anxiogène. Construisons des utopies concrètes réalisables sur le temps de ma génération en expérimentant ce qui n’a pas encore été exploré. Du « Lilypad », une ecopolis flottante pour réfugiés climatique, au « Dragonfly », une ferme verticale biologique au cœur de Big Apple, tous les futurs sont possibles.

Il faut du courage pour se réinventer, de la détermination. Une rupture avec les modes de pensées et d’agir qui nous ont mené aujourd’hui au pied du mur est indispensable : réchauffement climatique exponentiel, acidification des océans, extraction outrancière des ressources limitées de notre planète bleue au territoire fini, extinction de la biodiversité, impuissance politique face aux réfugiés de guerre, aux réfugiés climatiques, et j’en passe.

L’écologie urbaine est tout sauf un hobby pour bobos. C’est une nécessité pour organiser la résistance face à l’urgence climatique. Accélérons la transition ! A la croisée des innovations sociales et des innovations technologiques, les quatre piliers de cette résilience planétaire sont selon moi les clés de la transition et rendent possible la construction de villes soutenables qui font alliance avec la nature :

1. La décentralisation énergétique : Construisons des bâtiments à énergie positive, appelés des BEPOS, qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment à partir de ressources renouvelables et permettent de baisser l’empreinte carbone de nos villes historiques au patrimoine intrinsèque.

2. La désindustrialisation alimentaire : Battons-nous contre le glyphosate et les multinationales de l’agriculture intensive. Rapatrions la campagne et les agriculteurs en milieu urbain pour produire une alimentation biologique au cœur des lieux de consommation et ainsi casser la boucle énergivore des flux d’import-export. Dans la logique des AMAP et des locavores, développons la permaculture et l’agroécologie pour démocratiser une agriculture biologique accessible pour tous.

3. Le développement de la mobilité douce : Abandonnons le tout à l’automobile vénéré par Le Corbusier et ses comparses dans la Chartre d’Athènes. Mixons nos quartiers sur le plan fonctionnel, social et culturel pour optimiser la qualité de vie de chacun et le mieux vivre ensemble. Développons la mobilité douce en site propre et les stations multimodales qui permettent de changer facilement d’un mode de transport individuel à un mode de transport collectif.

4. L’économie solidaire et coopérative : Incluons le citoyen dès la genèse des éco-quartiers pour réinventer la capacité d’actions populaires, pour tester de nouveaux modèles d’économies coopératives, pour offrir au consommateur responsable l’opportunité de devenir acteur du changement.

Ces quatre piliers sont les fondements de tout écosystème mature, comme la forêt amazonienne par exemple, qui est un biotope n’émettant aucune pollution, utilisant la photosynthèse comme principale source d’énergie, transformant chaque déchet en ressource, et misant systématiquement sur la coopération entre les espèces. Si on applique ces principes vertueux à l’urbanisme contemporain, nos villes deviendront des écosystèmes résilients (capables d’encaisser les crises économiques, climatiques et écologiques). Nos quartiers se transformeront en forêts bioclimatisées et nos bâtiments en arbres habités produisant leurs propres énergies (électrique, calorifique et alimentaire) et recyclant leur propre déchet en circuit court.

L’économie linéaire du XXème siècle qui produit, qui consomme et qui jette est basée sur la dette écologique et financière. C’est une économie obsolète basée sur la croissance et les énergies fossiles limitées. Elle prône le toujours plus, la compétition, le gaspillage, l’excès partout et tout le temps.

Remplaçons définitivement cette économie linéaire par l’économie circulaire inspirée de la forêt amazonienne basée sur les énergies renouvelables et les matériaux naturels. Cette nouvelle économie circulaire fait en sorte que tout ce qui est produit et consommé soit recyclé et recyclable en boucles vertueuses. Elle ne vise plus à croitre perpétuellement mais à l’inverse à se régénérer d’elle-même en respectant les cycles technologiques et biologiques. L’économie circulaire annihile ainsi à la source le problème de la dette et engendre une civilisation plus solidaire.

Oui, pour toutes ces raisons, je prône la construction de villes fertiles, denses, et connectées, de villes écosystémiques directement inspirées par la forêt amazonienne.

FRÉDÉRIC JOIE : Pourriez-vous nous expliquer, à titre d’exemple, votre projet de « Paris 2050 ». Comment transformer une ville du XIXe siècle, patrimoniale, austère, tertiaire, bourgeoise, automobile, en une ville mélangée, une ville « verte », de grande hauteur, « respirante » et bioclimatique ?

VINCENT CALLEBAUT : Paris s’est toujours reconstruite sur elle-même. Par manque de visions en l’avenir, est-elle aujourd’hui en 2018 condamnée à la muséification et à le gentrification ? L’étalement urbain à l’horizontal ultra-énergivore va-t-il continuer à déporter les populations les moins aisées à l’extérieur de la ville suivant des cercles concentriques entrainant ainsi notre dépendance croissante aux réseaux d’infrastructure de transport et par conséquent au pétrole et au minerai ? A l’inverse la ville de demain ne serait-elle pas plutôt un grand village tourné vers la biodiversité, vers l’humain, le piéton, la vie en communauté plutôt que vers le pavillon quatre façades, véritable passoir thermique avec jardin individuel, qui a gangrené nos territoires ?

Dans le cadre du Plan Climat Air Energie de la Ville de Paris qui vise à réduire de 75% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, le projet “PARIS SMART CITY 2050” est un travail de recherche et de développement sur l’intégration des Immeubles de Grandes Hauteurs à énergie positive (BEPOS) et solidairement producteurs d’énergie pour les quartiers où ils sont implantés. Afin de lutter contre l’effet d’îlot de chaleur urbain tout en densifiant la ville durablement, ce projet présente 8 prototypes dédiés à la mixité sociale et fonctionnelle.

Cette étude sur la densification du tissu urbain sous forme de villages verticaux et conviviaux a été menée à la demande de la Mairie de Paris et des Services de l’Ecologie Urbaine de la Ville de Paris par mon agence « Vincent Callebaut Architectures » en étroite collaboration avec les ingénieurs de « Setec Bâtiment ».

Dans une des villes les plus minérales au monde avec seulement 5,8 mètres carrés d’espaces verts par habitant, ces villages verticaux rapatrient une nature nourricière sous forme d’agriculture urbaine au cœur de la cité. Ils intègrent dès leur conception les règles du bioclimatisme passif et les énergies renouvelables et récupérables en boucles courtes. Vers de nouvelles innovations sociales, ils désirent avant tout inventer de nouveaux modes de vie éco-responsables pour optimiser la qualité de vie des citadins – des Parisculteurs – et la qualité de l’air dans le respect de l’environnement.

Depuis le sommet des tours de Notre-Dame, Le Paris gris, minéral et imperméable laisse place à un Paris vert, perméable et respirant. Un Paris moins vulnérable au changement climatique qui absorbe les eaux pluviales plutôt que de les rejeter au tout à l’égout, qui profite de l’évapotranspiration des plantes pour créer des îlots de fraicheur urbains en cas de canicule. Un Paris dépolluant, densément végétalisé, qui grâce à la photosynthèse absorbe les particules fines et le dioxyde de carbone pour protéger la santé de sa population. Un Paris écosystémique qui fait le pari de la « Solidarité Energétique » entre le patrimoine d’hier et le patrimoine de demain, les architectures contemporaines produisant toutes les énergies dont le patrimoine historique a besoin.

Rue de Rivoli, des montagnes dressent leurs boucliers photovoltaïques et thermiques vers les Tuileries en suivant la course du soleil et en respectant l’axe des vents dominants. Des cascades hydrodynamiques produisent et stockent l’électricité de jour comme de nuit tandis que des vignobles enrobent les habitations des meilleurs cépages français.

En amont et en aval de la Seine, les deux franchissements du boulevard périphérique sont transformés en Ponte Vecchio du futur. Ces deux ponts habités ne sont plus uniquement un franchissement entre deux rives mais ils assurent un continuum urbain fonctionnel entre les arrondissements qui les bordent Les charges de ces ponts habités s’appuient sur des piles hydroélectriques transformant l’énergie cinétique de la Seine en électricité.

A chaque porte de Paris, des fermes urbaines verticales dédiées à l’agriculture biologique, à la permaculture et à l’aquaponie, transforment le périphérique en 21ème arrondissement de la Ville de Paris. De larges places métropolitaines à échelle humaine viennent recouvrir le flux des automobiles pour ouvrir paisiblement les bras du centre historique vers la banlieue.

A la Gare du Nord, l’une des trois plus grandes gares mondiales en terme de trafic avec 750 000 visiteurs par jour, une mangrove urbaine inspirée des palétuviers vient libérer le foncier en cœur de ville en s’enracinant dans les espaces interstitiels des fourches de rails et de quais en cul de sac. Les 38 quais recouverts de dalles piézoélectriques transforment l’énergie libérée par les pas des voyageurs en électricité tandis que des façades de bioréacteurs d’algues vertes filtrent le smog urbain en le transformant en kilowatts.

Sur plus de 32 kilomètres, la Petite Ceinture est rouverte en High Line parisienne. Elle est dédiée à l’innovation sociale et aux nouveaux usages demandés par les citoyens auprès de leurs représentants politiques. Ressourceries, ateliers d’artistes, espaces de co-working, habitations en co-living et coopératives s’intègrent le long du tracé. Des cheminées à vents assurent une ventilation naturelle des 40% de son tracé qui sont des tunnels voués à devenir des champignonnières, des piscines municipales, des marché couverts ou des tiers-lieux artistiques.

C’est un Paris soutenable, un Paris solidaire, un Paris désirable, un Paris convivial où il fait bon vivre, se divertir et travailler ensemble. C’est le pari de mon équipe transdisciplinaire qui a réuni autour de ce projet des ingénieurs et des universitaires internationaux pour dresser des ponts entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée sur chantier et ainsi accélérer l’innovation.

FRÉDÉRIC JOIE : Comment définiriez-vous l’ArchiBioTic ou l’architecture biomimétique ? Quels en ont été les premiers concepteurs ? Quelles en sont les œuvres marquantes ? Comment la concilier avec les nouveaux matériaux, les nouvelles technologies, l’émergence de la Smart City ?

VINCENT CALLEBAUT : « Archibiotic » est le titre d’un manifeste architectural que j’ai écrit et publié aux presses universitaires de Shanghai (l’AADCU) en 2008, il y a 10 ans exactement. J’ai inventé ce néologisme qui synthétise selon moi les trois vecteurs de l’urbanisme contemporain : l’ARCHitecture, les BIOtechnologies et les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).

L’Archibiotic est donc un concept disruptif qui propose de mixer le meilleur de l’ingénierie écologique développée par la Nature et le meilleur de l’ingénierie technologique développée par l’Homme pour concevoir des prototypes d’architecture green & smart à la fois.

Les plus anciennes formes vivantes sont apparues il y a 3,8 milliards d’années. En matière de durabilité, les sociétés humaines ont donc une longueur de retard sur la nature qui a fait ses preuves. Si seulement 1% des espèces ont survécu, en s’adaptant sans cesse sans hypothéquer le futur et sans dépenser une seule goutte de pétrole, leur subsistance mérite le respect et nous rappellent les lois de leur prospérité :

La Nature ne fonctionne principalement qu’à l’énergie solaire.

Elle n’utilise que la quantité d’énergie dont elle a besoin.

Elle adapte la forme à la fonction.

Elle recycle tout.

Elle parie sur la biodiversité.

Elle limite les excès de l’intérieur.

Elle transforme les contraintes en opportunités.

Elle valorise l’expertise locale.

S’inspirant de ces milliards d’années de Recherche & Développement, de nouvelles démarches d’innovation visant la modification du bilan carbone, nous guident vers les trois échelles complémentaires exploitées par les biotechnologies contemporaines : les Formes, les Stratégies et les Ecosystèmes.

Le Biomorphisme : s’inspire strictement des formes de la Nature.

Ex : Les ailettes verticales de l’aigle des steppes, la forme spiralée et hydrodynamique du nautile, la ventilation naturelle des termitières.

La Bionique : s’inspire des stratégies du vivant, des processus naturel de fabrication.

Ex : La plasticité des feuilles de nénuphar, la structure hyper-résistante des ruches en nid d’abeille, la calcification naturelle des coquillages qui génèrent leur squelette en fixant le carbonate de calcium.

Le Biomimétisme : s’inspire des écosystèmes matures et tente de reproduire l’ensemble des interactions présentes dans un écosystème : l’utilisation des déchets comme ressources, la diversification et la coopération, la réduction des matériaux à leur stricte minimum.

Ex : l’agriculture autorégénérative, la reproduction du procédé de photosynthèse (principale source d’énergie pour l’humanité), la production de bio-hydrogène à partir d’algues vertes.

Alors que la raison primaire de l’architecture est depuis la nuit des temps de protéger l’homme contre la nature, la ville contemporaine désire par ces méthodes émergentes réconcilier enfin l’homme et les écosystèmes naturels ! L’architecture se fait métabolique et créative ! Les façades deviennent tel des épidermes, intelligentes, régénératives et organiques. Elles sont matière en mouvement, recouvertes de plantes libres, et ajustent toujours la forme à la fonctionnalité. Les toitures deviennent les nouveaux sols de la ville verte. Le jardin n’est plus accolé à l’édifice, il est l’édifice ! L’architecture devient cultivable, comestible et nourricière. Les circulations verticales deviennent les organes digestifs qui métabolisent les rebus de l’occupation de la vie et les déchets alimentaires. L’Architecture n’est plus implantée au sol mais elle est plantée dans la terre et échange avec elle les matières organiques transformées en richesses naturelles.

Les technologies de l’information et de la communication jouent quant à elles un rôle moteur dans l’élaboration des réseaux de ville dont l’objectif est d’ici 2020 réduire de 15 à 20% les émissions de carbone. Les solutions de communication telles que la fibre optique et les systèmes satellites permettent déjà grâce à leurs applications associées (vidéoconférence, télétravail, téléguidage, télémédecine, télésurveillance, e-commerce, information en temps réel, etc.) de réduire considérablement les émissions et d’économiser les couts de déplacement tout en renforçant le dynamisme économique et l’attractivité des villes.

Fondées sur l’innovation, les solutions TIC favorisent la diminution des biens physiques et des moyens de transports via la dématérialisation. Elles favorisent également une logistique intelligente et une synchronisation des opérations de production basée sur l’intelligence artificielle. Le tout tend vers une économie à faible empreinte carbone.

Le développement durable des villes fertiles et résilientes se fait donc selon moi en construisant ces Archibiotics ! Au Luxembourg, nous venons d’ailleurs de remporter le projet pour la « Métamophose de l’Hôtel des Postes » au cœur du centre historique avec le concept de solidarité énergétique.

FRÉDÉRIC JOIE : Pourriez-vous nous décrire vos deux projets en cours, le tour résidentielle Tao Zhu Yin Yuan à Taipei à le complexe multifonctionnel The Gate Heliopolis au Caire, et leurs enjeux tant architecturaux qu’écologiques ?

VINCENT CALLEBAUT : La tour écologique « Tao Zhu Yin Yuan » est en fin de chantier à Taipei, capitale de Taiwan.

(Vidéo de chantier : https://youtu.be/NifP7GWRW_I)

Elle est en cours de végétalisation et sera livrée à la fin de cette année 2018. J’ai remporté ce projet de 50 000 m² en 2010 lors d’un concours privé sur invitation face à Zaha Hadid dont j’ai toujours admiré la fulgurance et l’audace. Autant dire que j’étais outsider ! Et pourtant à l’âge de 32 ans, un client taiwanais (BES Engineering Corporation) m’a fait confiance avec ce projet qui synthétise le concept global d’Archibiotic que j’avais largement présenté à l’exposition universelle de Shanghai la même année.

Inspirée de la double hélice de l’ADN et du Feng Shui, cette tour spiralée vient de recevoir la certification de diamant d’architecture carbo-absorbante. Les trois challenges suivants m’ont permis d’obtenir cette très haute certification écologique :

1. La végétalisation : La tour est recouverte de plus de 23 000 plantes, arbustes et arbres. C’est une forêt verticale capable par photosynthèse d’absorber jusque 135 tonnes de CO2 annuellement dans l’atmosphère. De plus cette végétalisation permet de diminuer la température ressentie à l’intérieur des appartements de 3 à 5 degrés selon les saisons grâce à l’évapotranspiration des plantes et à l’ombrage naturel. Les nuisances sonores urbaines sont aussi étouffées par la diffraction du son opéré par le végétal.

2. Le bioclimatisme et les énergies renouvelables : Les trois étages en sous-sol et toutes les circulations verticales (cages d’escalier et ascenseurs) sont naturellement ventilés et éclairés. La pression de l’air opérée dans la double-peau du noyau central permet d’assurer un courant d’air naturel rafraichissant. De grandes pergolas solaires, photovoltaïques et thermiques, sont implantées en toiture et au niveau du jardin en rez-de-chaussée. Elles génèrent l’électricité et l’eau chaude sanitaire nécessaires aux parties communes. Les eaux de pluie sont récupérées en toiture et les eaux grises, provenant de votre baignoire et de votre lave-vaisselle, sont filtrées par lagunage pour irriguer automatiquement les jardins suspendus et les nourrir en engrais naturels. Les frais d’exploitation découlant de l’application des règles du bioclimatisme et de l’intégration des énergies renouvelables sont divisés par deux par rapport à un bâtiment standard.

3. L’analyse du cycle de vie du bâtiment : Il ne suffit pas de dépolluer l’atmosphère du CO2 émis dans nos villes et de diminuer l’empreinte carbone du bâtiment durant son exploitation. L’objectif premier est bien de restreindre à la base les émissions de CO2 durant la phase de construction et des possibles futures transformations. Nous avons donc optimisé la quantité de matériaux utilisés en calculant au plus juste la structure du bâtiment. La tour est construite en acier ultra-performant provenant du Japon. Pour les double-planchers, le béton a été remplacé par des structures alvéolaires en nid d’abeille utilisé dans les Airbus pour diminuer leur poids. Ces double-planchers innervés du réseau de TICs et de plomberie permettent à chaque habitant de brancher salles de bain et cuisines à roulettes où il le désire. Pour les aménagements intérieurs, une chartre ‘cradle to cradle’ invite les propriétaires à mettre en œuvre uniquement des matériaux biosourcés issus de filières recyclées et/ou recyclables.

Exemplaire sur le plan écologique, cette tour est aussi anti-sismique. Posée sur un système de fondations à roulements à billes (tel un immense skateboard), elle est capable d’amortir les ondes de chocs de tremblements de terre allant jusque 7.0 sur l’échelle de Richter. En pleine région tropicale, les façades aux joints souples suivant la géométrie spiralée permettent quant à elle de limiter la pression exercée par les typhons.

La tour est élastique. Tel un roseau, elle plie mais ne rompt pas.

Enfin, la durabilité du projet n’est pas que écologique et technologique, elle réside tout d’abord dans l’intelligence du plan d’architecte. En effet, le plan des appartements est libre de tous points porteurs. Pas de mur, pas de colonnes, pas de gaines qui viennent interférer la mutabilité de l’espace. Cette hyper-flexibilité a été rendue possible par l’utilisation de poutres Vierendeel offrant à chaque résident une personnalisation à souhait de son habitation grâce à des cloisons mobiles.

Second projet en chantier au Caire est le complexe « The Gate Heliopolis ». C’est une commande directe d’un investisseur privé « Abraj Misr » pour la construction d’un projet dense, vert et connecté de 450 000 m² composé de 1100 appartements connectés en domotique et posés sur un socle logistique de bureaux, de commerces et de services à la personne. Ce projet sera livré entre 2022 et 2024.

C’est un véritable îlot urbain de 250 mètres de côté qui imite le fonctionnement d’une termitière. Neuf cheminées à vents en forme d’entonnoirs percent les étages sur 45 mètres de hauteur afin d’assurer la bioclimatisation du projet. Le principe est simple. Il s’agit d’aspirer par courant d’air naturel l’air chaud de la ville à 45 degrés en été pour le refroidir sous les fondations, au contact de la terre là où l’inertie thermique est constante toute l’année à 18 degrés, avant de le réimpulser à 30 degrés dans les appartements. C’est un projet respirant comme un poumon géant qui baisse de 70% son recours à la climatisation mécanique. Ces cheminées à vent s’inspirent des fameux Malqafs qui existaient déjà il y a trois mille ans dans les temples des pharaons.

Pour implémenter cette technologie passive, une canopée solaire de 25 000 m² produit l’eau chaude sanitaire et l’électricité en circuit court pour les habitants. Ses écailles photovoltaïques tournent d’est en ouest comme des fleurs de tournesol pour optimiser leur rendement énergétique.

Le toit du projet à la programmation mixte est recouvert de jardins, de potagers et de vergers suspendus. C’est une ode à la vie en communauté, au mieux vivre ensemble.

FRÉDÉRIC JOIE : Deux grandes vagues de critiques s’exercent contre les projets de cette architecture écologique : d’abord, ses coûts exorbitants. Ensuite, qu’ils sont principalement destinés à des clients ou à des quartiers riches - que ce sont en fait des projets privatifs pour la classe des privilégiés, non des projets grand public ?

VINCENT CALLEBAUT : Construire écologique, c’est penser économie écosystémique !

Pour construire une ville durable, la nouvelle génération d’architectes réclame une nouvelle économie durable et une politique qui dresse des ambitions à long terme. Le capitalisme basé sur le rendement à court terme et le profit immédiat est complètement obsolète face au dérèglement climatique.

Je milite pour inverser progressivement cette frénésie du capital au profit de l’économie circulaire et régénérative qui prend en compte de façon exhaustive tous les avantages rétroactifs de l’écosystème financier des bâtiments soutenables à l’image de notre tour Tao Zhu Yin Yuan :

- économie sur l’optimisation des matériaux de construction

- économie des frais d’exploitation du bâti par l’intégration du passif et du renouvelable

- économie sur l’inertie thermique du bâti grâce à la végétalisation

- économie alimentaire basée sur l’agriculture urbaine biologique distribuée en circuit court

- économie par la recyclabilité des biomatériaux

- économie grâce à la standardisation des éléments de construction

- économie sur la réversibilité et la mutabilité d’espaces pré-innervés techniquement

- économie sur la qualité de l’air et les frais de santé

- économie de la mobilité douce et multimodale

- économie sur les services rendus entre voisins solidaires

L’ensemble de ces évidentes économies obligent les lobbys de l’agriculture, du BTP et des transports à se réinventer sur le fond à travers de nouveaux usages et de nouveaux métiers transdisciplinaires. Nous désirons tous transformer les contraintes de notre époque en opportunités pour faire mieux que nos parents et nos grands-parents.

En plein déploiement de la Smart City, n’oublions pas que l’intelligence d’une ville réside d’abord dans celle de ses habitants comme le disait si bien William Shakespeare. A l’aube de ce troisième millénaire, les millennials sont en train d’échanger avec intelligence l’individualisme contre le mutualisme, la propriété contre le partage, l’entreprise contre la coopérative, le chimique contre le biologique, le périssable contre le renouvelable. L’ensemble de mes projets s’inscrivent résolument dans cette résilience mondiale à long terme.

Le projet du Caire à 1100 euros/m² coût de construction démontre que ces projets écologiques ne sont pas destinés qu’aux riches mais qu’ils sont en cours de démocratisation massive. Le projet « Arboricole » développé pour Angers avec Bouygues Immoblier pour les millennials en est également une belle illustration. Les énergies renouvelables n’ont jamais été aussi concurrentielles mettant à mal le charbon et le nucléaire. Elles sont en train de s’imposer sur le marché tout comme les smartphones génériques qui ont divisé par 10 le prix de la marque à la pomme offrant ainsi à tous les terriens la connectivité. L’architecture écologique est sur cette même voie de démocratisation. Elle devient la norme !



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